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Voler...


Libération • 16 et 17 janvier 1999

Une voix Nomade

Découverte au Printemps de Bourges en 1978, Michèle Bernard n’a jamais cessé depuis de chanter, composer, enregistrer, voyager. La ferveur du public venu l’applaudir à Ivry vérifiait que Michèle Bernard est une chanteuse culte, et que Nomade, sa chanson d’entrée en scène, a fait un diable de chemin chez les aficionados de belle chanson. Michèle Bernard est un peu Pierrot, un peu petite fille endiablée, un peu institutrice, les cheveux tirés en natte.

C’est d’abord à sa voix qu’on s’attache, si maîtrisée, si naturelle, accompagnée avec humour et discrétion. Le récital présente les chansons de son dernier album (EPM), avec une prédilection pour les souffrances des gens d’ailleurs, même quand ils sont ici. Tour de force, une chanson sur les mots que la langue française a "volés" (pas évident), coup de cœur, une chanson d’amour juste à l’accordéon. En final, une évocation de Louise Michel, institutrice chez les Canaques... Rares sont les chanteuses qui peuvent parler aussi bien au cœur quà l’intellect.

H.H.

Télérama Paris • 3 février 1999

Michèle Bernard

Certaines vérités sont bonnes à dire et à redire. Alors, on répétera que la discrète Michèle Bernard est une artiste d’exception. Que ses textes sont de petites merveilles de générosité, d’humanité et d’humour. Que ses mélodies métissées vont puiser aux plus belles sources d’inspiration. Qu’il ne reste que cinq jours aux retardataires pour découvrir son nouveau spectacle.

Valérie Lehoux

La Croix • 25 janvier 1999

Michèle Bernard, l’ "anti-show-biz"

Accueillie par le théâtre d’Ivry comme artiste en " résidence chansons ", Michèle Bernard, la " révélation 1978 " du Printemps de Bourges, y présente son dernier spectacle

Depuis 1978 et le coup de projecteur du Printemps de Bourges qui l’a sacrée " révélation de l’année ", Michèle Bernard n’a guère changé, elle est toujours cette femme sans fard ni poudre aux yeux, " discrète de tempérament ". Seul l’éclat de ses prunelles bleu azur trahit un caractère qu’on devine un peu trempé. D’une voix égale, elle concède volontiers s’être montrée viscéralement " anti-show-biz " à ses débuts. C’est pourquoi, une fois franchie l’entrée des artistes et empochés ses deux grands prix de l’Académie Charles-Cros, cette bohème intègre sort par la petite porte. Et poursuit sa route cahin-caha. Sans tapage ni coup d’éclat mais sans anicroche.

Un effacement librement consenti

Depuis, bien à l’abri du star système, elle a exploré les voies du théâtre chanté, monté des spectacles, multiplié les tournées, elle a imposé, enregistré ses albums. De cet effacement librement consenti, elle ne tire " ni dépit ni aigreur " mais justifie cette attitude par son goût des choses simples et des petites gens.

Il a donc fallu la proposition alléchante du théâtre d’Ivry pour que sorte de sa tanière, Saint-Julien-Molin-Molette, un ancien vilage-usine de l’industrie textile, niché au sud de la Loire. " Alors seulement, glisse-t-elle en esquissant un vague sourire, j’ai troqué un point d’ancrage pour la banlieue parisienne. " Elle est ainsi devenue une artiste en " résidence chansons ". La formule, instaurée 1992, repose sur un échange de bons procédés. Le théâtre accueille tous les ans un chanteur de son choix et lui offre de réaliser son spectacle en mettant à sa disposition tous les moyens techniques nécessaires. En contre-partie, des rencontres sont organisées entre le " résident " et son public, par le biais des ateliers qui groupent associations, établissements scolaires ou encore chorales de la ville. Juliette, Sarclo, Allain Leprest et Éric Lareine s’y sont, entre autres, déjà succédé.

Une aubaine pour ceux, nombreux, " qui ne sont pas des vedettes à paillettes mais des amoureux de la scène ", souligne-t-on à la direction du théâtre. " Pouvoir rompre avec la solitude de la création est un luxe, soutient quant à elle Michèle Bernard. C’est la possibilité de répéter sur scène sans contrainte de temps avec une véritable équipe de professionnels ". Sans compter que le théâtre offre aussi le savoir-faire d’un " producteur scène " chargé de coordonner l’ensemble, depuis le montage, en passant par la recherche de subventions, jusqu’à l’affichage et la promotion.

" Voler ", album confectionné pour l’occasion

Repéré au café de la Danse par la Directrice Leila Cukierman, la chanteuse est arrivée à Ivry en octobre dernier, son dernier album, " Voler ", en bandoulière. Confectionné pour l’occasion, il est parcouru d’une même onde de bout en bout : le voyage, les mots sans frontières, l’accueil de l’étranger, les visages du métro, les portraits pittoresques. Car rien n’échappe à la plume-calpel de l’interprète quand il s’agit de dépeindre ses rencontres, ses mondes. " Cette fois j’ai véritablement choisi un thème de travail. Quand on arrive ici, les chansons doivent être prêtes. " D’autant que les artistes en résidence ne sont pas hébergés sur place. Leur travail porte avant tout le spectacle.

Une " petite fanfare de rue "

Pour le mettre en forme, Michèle Bernard a choisi l’épure. Avec ses quatre musiciens, elle forme une " petite fanfare de rue ". L’équipe de techniciens a immédiatement saisi son souci de simplicité. Elle s’est donc attachée à faire " varier les ambiances au gré des personnages évoqués ", en mettant l’accent sur la " fluidité des liens. Des petits riens, des jeux de lumière quasi invisibles mais qui donnent une impression constante de mouvement entre les musiciens et moi ", explique la chanteuse, un rien de trac dans la gorge à quelques jours du spectacle. " C’est tout l’intérêt de travailler avec de nouvelles personnes. Il faut savoir se mettre en danger. "

Isabelle Curtet-Poulner

La Tribune - Le Progrès • 28 août 1999

Michèle Bernard s’envole
Avec Voler... son dernier CD, Michèle Bernard s’envole en mots et en chansons. Un petit tour du monde en une quinzaine de titres...

"Qu’apporte un artiste, si ce n’est son regard sur le monde ; une manière de le montrer qui va toucher les gens, les changer un peu, les aider à vivre. L’art doit faire partie des choses qui rendent à l’individu sa dignité et son envie de vivre" déclare Michèle Bernard. Et comme la chanteuse ne chante pas pour ne rien dire, quand elle accorde un entretien, l’heure est riche de considérations de toutes sortes, sur la vie, sur les gens, sur la chanson... Car Michèle Bernard, si elle appartient certainement au show-biz, n’est pas vraiment du star système. Elle aurait même plutôt joliment tendance à vous faire voir, plutôt qu’elle, la vie autour d’elle et tout ce qui l’enchante.

Paroles et musiques du monde

Cela fait déjà longtemps que Michèle Bernard s’est installée à Saint-Julien-Molin-Molette. "Ici, on remet les choses à leur vraie place, celle de citoyen lambda" dit-elle gentiment. Cela fait déjà longtemps que Michèle Bernard chante sur les scènes et elle est de plus en plus belle... La sérénité, la maturité, les deux mêlés lui vont bien, très bien.
Ses textes aussi ont bien vieilli. Ils disent les choses qui sont parfois difficiles à traduire, avec beaucoup de finesse, de tendresse. Son dernier CD, intitulé Voler... regroupe une quinzaine de chansons, qui sont de la bonne, de la très bonne chanson française : celle qui paradoxalement puise son inspiration au delà des frontières. "Mon dernier spectacle parle de la France, à travers les étrangers qui la traversent ou qui s’y installent, et des personnes que je croise dans ma vie, explique-t-elle. J’emprunte musicalement aux origines de ces divers personnages." Qu’il s’agisse de cette "Noire Nounou berce-nous de tes bras doux doux" ou de "Madame Tiou tiou ! Zut ! Parl’ tout’ seule dans sa maison", ces personnages tout en couleurs, en douceur, en rires ou en douleurs, sont humains, très humains.

"Cela participe, explique Michèle Bernard, d’une réflexion sur la chanson française. Il faut en donner une image qui ne soit pas cloisonnée. Il faut aller à l’étranger pour réaliser qu’elle a une spécificité, un caractère, une âme. Les chanteurs français devraient en avoir plus conscience, de la fierté et l’envie de la communiquer, mais sans la séparer du reste du monde."

Une différence sensible

Tutsi Hutu, C’est un rital, Noire nounou, Boyaux de Paris... Tous ces titres de chansons, réunis sur son dernier CD donnent le ton : "C’est une manière personnelle de réagir à une xénophobie ambiante, rampante, lance-t-elle. Autant en 1970, la chanson exprimait des idées sociales en langage direct, autant aujourd’hui, les choses ont évolué. Il y a une approche plus sensible et plus poétique de ce problème de la différence. L’art et la musique ont cette fonction d’aider à approcher les autres dans leurs différences."
Elle s’accompagne à l’accordéon, au piano ou au violon mais surtout, elle écrit de sacrées chansons Michèle Bernard. Il faut tendre l’oreille à ses textes, c’est un régal d’écriture, de mots, de jeux. Mais pas seulement ! Les textes de Michèle Bernard sont pleins à faire craquer le CD, d’idées, d’idéaux, de petits travers, de grande misère, de malices et de délices...

Avec Voler..., c’est notre vocabulaire qui en prend un coup, bon ou mauvais peu importe. Voler les mots, cela enrichit le vocabulaire, même si cela appauvrit la langue française... A ce propos Michèle Bernard s’inquiète : "Les gens s’expriment avec de moins en moins de mots. Il y a moins de pensée fatalement, donc c’est inquiétant."

Plus loin, "Avec la course folle à l’argent, j’ai l’impression que les gens ont de moins en moins de prises sur le fonctionnement du monde," regrette Michèle Bernard, avant de lancer en vraie pro de la bonne chanson qu’elle est : "Je défends le spectacle vivant, dans un monde où se développe de plus en plus le virtuel. J’ai envie que les gens voient de vrais gens. Je suis à la recherche de moments uniques, qui diffèrent de la culture en boîte..."

Michèle Bernard est de plus en plus belle. Elle chante la possibilité de s’aimer, que l’on soit, rital ou auvergnat, noire nounou ou madame Tiou, Tutsi, Hutu....

Nicole Dupain

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